C’était il y a trois ans. Nous étions le 2 février. Le Petit venait de fêter son premier anniversaire et Le Grand allait avoir 3 printemps au printemps. J’étais en congé de maternité, et j’allais avoir du temps pour me reposer et me préparer à l’arrivée de nos petits locataires. Le terme était prévu dans plus de trois mois. Les jumeaux seraient sans doute un peu en avance, mais j’avais du temps devant moi pour préparer leur arrivée. Tout allait bien. Un samedi ensoleillé. Mais c’était sans compter sur l’impatience de Mademoiselle Mini. Nous étions à table pour le déjeuner. C’est là que tout a commencé.
A ce moment là, je ne savais plus qui j’étais, comment je m’appelais. J’ai paniqué. J’ai appelé Le Papa. Pendant que la voiture le ramenait à la maison, il a appelé les secours. Il est arrivé. Des amis sont venus chercher Le Grand et Le Petit. Le SAMU est arrivé. Nous avons roulé vers les urgences au son du deux-tons. Même si je le connaissais bien pour l’avoir côtoyé souvent lorsque j’étais secouriste et que je conduisais le camion, il résonne vraiment différemment lorsqu’on est à l’arrière, allongée sur le brancard. Il n’y avait pas beaucoup de route, mais j’ai eu le temps d’imaginer le pire des scénarios.
J’ai été installée directement par le SAMU en salle de naissance. A 26 SA, avec des bébés qui ne pèsent même pas un tout petit kilo… C’était juste incompréhensible, inimaginable, inconcevable. Un vrai choc. Et le verdict est tombé. La poche des eaux est percée. Sans blague !!! Jusque là, aucun diplôme médical n’était nécessaire. Mais le monitoring indique des contractions de travail… On va mettre en place une tocolyse. Une tocolyse ??? Quésaco ? En français, ça veut dire qu’on va essayer de stopper ces fichues contractions. Et voilà la seule bonne nouvelle de cette journée. Ça a fonctionné. On ne sait pas pour combien de temps, mais l’heure est à l’éclaircie. Ouf ! A l’intérieur de moi c’est l’apocalypse, mais je viens de remporter une minuscule bataille. Je vais pouvoir être transférée dans une maternité de type 3, équipée et habituée à s’occuper de grands prématurés. Même si je savais que ça pouvait arriver, je ne l’avais pas envisagé.
La journée s’est terminée au Point Rouge, premier étage, dans la chambre 24. Dans le couloir d’en face, c’est la maternité. Mais de ce côté, il y a principalement des futures mamans. Et aussi quelques mamans qui se retrouvent séparées de leur bébé. Mais ça, je ne le savais pas encore. Après une journée chargée, stressante, pleine d’émotions, d’inconnu, et de peur, je me suis retrouvée seule dans cette chambre. Seule et branchée de partout à des appareils qui m’étaient étrangers, et qui allaient pourtant rythmer les journées à venir. J’étais épuisée. J’allais avoir besoin de forces pour affronter les jours suivants et « tenir » le plus longtemps possible. Parce que chaque jour serait une petite victoire. Mais comment s’endormir avec la tête remplie du chaos de toute cette journée, de l’inquiétude pour mes bébés, et du manque de leurs aînés que je n’avais même pas pu embrasser avant de les quitter.